- Vulnerabilité et néolibéralisme - Les discriminations en raison de la situation de handicap ou de l’état de santé au travail

 

 

La lutte contre les discriminations en raison de la situation de handicap ou de l’état de santé ne peut entrer qu’en contradiction avec le néolibéralisme.

 

La vulnérabilité face au néolibéralisme

 

La notion de vulnérabilité occupe une place centrale dans l’éthique du care comme caractéristique de la condition humaine. L’être humain est confronté dans son existence à l’expérience de la vulnérabilité d’une manière plus ou moins marquée selon les personnes : enfance, maladie, vieillesse. (voir : Le Goff et Garreau, Care, justice et dépendance, PUF, 2010).

 

La lutte contre les discriminations découle de l’égale dignité de chaque être humain telle qu’elle est proclamée dans la DUDH de 1948 : « Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droit».

 

Cela fait suite entre autres au programme Aktion 4 mis en œuvre par les nazis qui se proposait l’extermination des personnes en situation de handicap.

 

L’éthique, qui caractérise le néolibéralisme, est de type utilitariste. Ce qui compte c’est l’efficacité économique. Le respect de la dignité de chaque personne peut être sacrifiée, s’il le faut, sur l’hotel de l’efficacité économique. De même, l’éthique utilitariste du néolibéralisme rentre en contradiction avec l’éthique du care qui met en avant l’importance de prendre soin des personnes vulnérables.

 

Or le droit de la non-discrimination vient s’opposer à l’économie néolibérale à plusieurs niveaux. En effet, le néolibéralisme vante la performance sans égard pour la vulnérabilité.

 

Faire en sorte que les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies chroniques puissent accéder à l’emploi ou conserver leur emploi est un enjeu du droit de la non-discrimination.

 

Or, pour le néolibéralisme, ces personnes sont peu performantes, peu productives, voire improductives.

 

Certains voient dans le droit de la non-discrimination, un simple management de la diversité. Mais en réalité, le droit de la non-discrimination, quand il s’applique aux personnes en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques, impose des devoirs et des limitations qui ont un coût financier.

 

C’est le cas par exemple des aménagements raisonnables du poste de travail qu’est tenu de mettre en œuvre l’employeur. Ou encore de la discrimination indirecte qui consiste à prendre une mesure en apparence neutre, mais qui a fait des effets discriminatoires. Imaginons par exemple, une réunion de travail qui a lieu systématiquement dans une pièce non-accesssible pour les collaborateurs en situation de handicap.

 

La constitution en septembre 2019 de l’ANTHEN – Association des travailleurs-e-s handicapés (ou en ALD) de l’Education nationale montre que le non-respect des droits des personnes en situation de handicap ou de maladie invalidante n’existe pas que dans le secteur privé, mais également dans le secteur public sous l’effet du nouveau management public. C’est souvent au nom d’une logique budgétaire, abritée sous l’expression « nécessité de service » que les droits de ces personnels ne sont pas respectées.

 

Mais le non-respect des droits peu également passer par des formes plus insidieuses, lorsque les organisations de travail implique des formes de travail gratuit, des horaires élastiques… produisant ainsi des formes de discriminations indirectes à l’égard des travailleurs/ses les plus en situation de vulnérabilité : en situation de handicap, maladie invalidante ou même par exemple mère célibataire...

 

Manifeste revendicatif de l’ANTHEN - https://assoanthen.wordpress.com/archives/manifeste-revendicatif/

 

La place des travailleuses et des travailleurs en situation de handicap ou atteints de maladies chroniques invalidantes

 

En France, c’est une personne sur six qui est en situation de handicap et 80 % sont des handicaps invisibles. Le handicap n’est pas avant tout une notion biologique, mais c’est une institution (voir Bodin, L’institution du handicap, La Dispute, 2018). Cela veut dire que la situation de handicap n’ouvre des droits en France que lorsqu’elle est reconnue par la MDPH.

 

Il y a 20 % de la population qui vit avec une maladie chronique et environ 10 % a une reconnaissance d’Affection Longue Durée (ALD). Celle-ci désigne des « affections dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ». La reconnaissance d’une maladie comme ALD ouvre là encore des droits particuliers. Le malade est ainsi instituée par la société comme ayant une maladie chronique longue et grave.

 

Le pourcentage de personnes ayant une reconnaissance de handicap et/ou d’ALD augmente avec l’âge. Ce qui fait que par exemple l’âge moyen des personnes ayant une reconnaissance d’ALD est de 63 ans. Ce qui fait donc que le pourcentage de personnes en situation de handicap et/ou en ALD, en âge de travailler, est relativement moindre que la moyenne générale des ALD ou des reconnaissances de handicap. Néanmoins, il reste conséquent.

 

La discrimination en raison de la situation de handicap est la première cause de saisine du défenseur des droits, celle en raison de l’état de santé est la troisième cause.

 

Les luttes des travailleurs-ses en situation de handicap ou/et touché par une maladie invalidante

 

Le modèle social du handicap (contre le modèle médical du handicap) a été à partir des années 1970 le support des mouvements sociaux de personnes en situation de handicap qui réclamaient une vie autonome en particulier dans les pays anglo-saxon.

 

La lutte contre le SIDA (voir Broqua, Agir pour ne pas mourir, Presses de ScPo, 2005) constitue l’irruption des malades comme acteurs de luttes sociales.

 

Néanmoins, il reste encore à ce que les travailleurs et travailleuses en situation de handicap et de maladie invalidante (ALD) deviennent également des acteurs et des actrices spécifiques de luttes au travail au même titre par exemple que les femmes.