Le secteur médical est souvent emprunt de rapport de pouvoir appuyés sur une inégalité de savoir : il y a d’un côté le médecin qui sait et de l’autre le ou la patiente qui est sensé être ignorant.
Pourtant la loi consacre, depuis 2002, l’autonomie de choix du ou de la patiente. Mais le consentement libre et éclairé n’est souvent pas respecté comme le souligne entre autres un rapport de la CNDH de 2018 sur la maltraitance institutionnelle dans le système de santé.
CNDH, Agir contre les maltraitances institutionnelles dans le système de santé (2018). URL : https://www.cncdh.fr/sites/default/files/180522_avis_maltraitances_systeme_de_sante.pdf
Pourquoi le consentement éclairé du patient n’est souvent pas respecté ?
De manière générale, on peut supposer que les médecins ne sont pas assez formés à cela et que cela reste une démarche quelque peu formelle, quand carrément les soignants ne l’outre passe pas…
Néanmoins, on peut distinguer deux situations :
- la première concerne le manque de respect du consentement éclairé de la part d’un praticien en libéral pratiquant des dépassements d’honoraire. L’absence de respect de l’éthique et de la déontologie médicale n’a pas alors beaucoup d’excuse…
- le second cas est celui d’un praticien qui exerce dans des conditions objectivement difficiles – par exemple à l’hôpital – où il doit traiter des patients nombreux et très divers avec peu de temps… Dans ce cas, l’amélioration des conditions de travail constitue un point essentiel de l’amélioration du respect du consentement des patient-e-s…
Quels sont les droits que tout patient devrait connaître ?
Il ne s’agit pas de devenir un expert de la déontologie et du droit médical, mais il y a quelques droits et textes que tout patient devrait connaître.
Celui concernant le consentement est formulé de la manière suivante : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
« Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. » (Article 35 du code de déontologie)
Néanmoins, le droit à un consentement éclairé n’est pas le droit de choisir sa thérapeutique. Le médecin reste libre de décider quel est le traitement le plus approprié. Le patient peut y consentir ou pas.
Cependant le praticien est également limité par l’interdiction du refus de soin. Il ne peut pas refuser de soigner un patient. Mais il doit en outre essayer de convaincre un patient qui refuserait un soin si celui-ci à des conséquences dommageable pour lui.
Autre droit important à connaître : le respect de la dignité de la personne et de son intimité, le droit à un second avis médical et le droit pour le patient de consulter son dossier médical.
Certains textes sont également utiles à consulter :
- la loi de 2002, dite loi Kouchner, sur le droit des patients https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015&categorieLien=id
- le code déontologie des médecins (42 p.)- https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/codedeont.pdf
S’il n’y a qu’un texte à lire, utile à relire avant une hospitalisation, la charte du droit des patients à l’hôpital (26 p.) - https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/charte_a4_couleur.pdf
Quels leviers juridique pour les patients ?
L’objectif, dans le fait de respecter le droit des patients, n’est pas d’aller au procès avec ses médecins, mais de comprendre en quoi ces principes déontologiques et éthiques sont opposables juridiquement au médecin et qu’il sait donc que ne pas les respecter constitue une faute professionnelle susceptible d’engager sa responsabilité devant un tribunal.
Trop souvent, on pense à l’erreur médicale et à la faute technique du médecin. Apprécier une faute technique, requiert une expertise médicale. En revanche, tel n’est pas le cas de la faute éthique pour laquelle le médecin peut être également condamné.
La faute éthique apparaît en particulier lorsque le médecin a réalisé un acte sans le consentement du patient et qu’il en est résulté un préjudice pour le patient. Il faut savoir que c’est au médecin de prouver que le consentement préalable avait été obtenu.
Il faut également savoir que la question du consentement peut aussi intervenir en cas de perte de chance. Mais la perte de chance ne peut être évoquée dans le cas où l’état du patient rendait nécessaire l’acte. En cas de préjudice lié à ce type de situation, cela relève plutôt de l’aléa thérapeutique qui permet l’indemnisation du patient sans faute du médecin.
Quelles difficultés peut rencontrer le patient pour faire reconnaître le droit au consentement éclairé ?
Les difficultés peuvent être de deux ordres principaux. Le premier est le défaut d’information : on ne lui indique par les conséquences possibles, ni les alternatives au traitement… Le deuxième consiste, quand le patient tente de faire valoir son avis à ce qu’on lui oppose, son manque de connaissances.
Bien souvent dans le deuxième cas, le patient peut se tourner vers un second avis… Mais il peut arriver que pour différentes raisons, comme une certaine urgence de la situation, qu’on n’aie pas le temps de recourir à un second avis.
Dans ces cas qu’est-il possible de faire ?
Les solutions proposées ci-dessous sont valables dans le cas d’une réflexion concernant une intervention chirurgicale ou un traitement, mais plus généralement dans le cas d’une maladie chronique avec laquelle le ou la patiente doit apprendre à vivre au long cours :
- il faut savoir que la médecine actuelle tend à se conformer à une norme qui est celle de la médecine par les preuves. Cette médecine par les preuves a en particulier a pour objet d’établir des référentiels de bonnes pratiques pour les médecins (voir le site de la Haute Autorité de Santé). En ce qui concerne la cancerologie, c’est l’Institut national de cancerologie qui valide les référentiels.
- Pour avoir une information de vulgarisation de qualité sur une pathologie, il est possible de consulter les livrets d’information sur le site Ameli.fr . On peut également se référer au Manuel MSD en ligne qui existe en version professionnel et en version grand public (https://www.msdmanuals.com/fr/accueil)
- Cette médecine par les preuves tend à compiler des études pour produire des revues de la littérature (cad des compilations d’études scientifiques) afin d’établir ce qui paraît statistiquement les plus fondé scientifiquement en médecine. Lorsqu’il existe plusieurs alternatives thérapeutiques, il est possible de se référer à des revues de la littérature pour se faire une idée des avantages et des inconvénients de telle ou telle approche. Attention, il vaut mieux éviter de se référer à une seule étude toujours susceptible d’être biaisée par l’industrie pharmaceutique. La base de donnée Cochrane propose des synthèses en plusieurs langues (https://www.cochrane.org/fr/evidence)
- En matière de médicament, lorsque l’on a des doutes sur un médicament et la manière dont il a été prescrit par le ou la praticienne, on peut se référer au site de l’Agence national du médicament et des produits de santé qui produit également des recommandations pour les médecins. Pour cela, vous pouvez utiliser le site du Vidal Famille qui tient à jour les informations sur les médicaments:
https://eurekasante.vidal.fr/. Vous pouvez également utiliser la Base de donnée publique du médicament: http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/index.php
Comment utiliser ces informations scientifiques accessibles à tous et toutes sur Internet ?
Lorsque vous sentez des réticences d’un praticien à vous donner des informations, vous pouvez lui écrire un courrier, si c’est possible, pour lui demander par écrit les informations. Ainsi, même s’il ou elle ne vous répond pas, vous gardez la trace qu’en outre vous aviez demandé des informations et que l’on ne vous les a pas donné.
En ce qui concerne les informations scientifiques trouvées sur Internet, il faut rester prudent dans son interprétation. Il ne s’agit pas de les opposer au praticien, mais de lui demander si telle information est exacte et s’il est vrai que cette pratique est aussi possible… Il faut se souvenir que là encore le médecin doit une « information loyale ». C’est une chose d’omettre une information, cela en est une autre de mentir sciemment.
Quelle valeur accorder aux images médicales dans le diagnostique ?
Le problème des images médicales, c’est qu’elles ne sont pas interprétables par tout un chacun. Souvent, il arrive que des patients demandent plus d’image médicales comme si les images aller pouvoir donner par elles-mêmes le diagnostique médical.
Or, entre deux images faite avec des techniques différents, selon le degrés d’expertise de la personne qui interprète l’image, il peut y avoir des diagnostiques différents. L’image reste bien souvent une aide au diagnostique parmi un faisceau d’indice. Mais parfois les médecins eux-mêmes peuvent tomber dans la fascination pour les images. Pour le patient, il faut être capable de garder les images médicales à leur place et de ne pas trop les fétichiser.
Que pourrait-on mettre en œuvre pour améliorer la capacité des patients à faire respecter leurs droits ?
Pour faire respecter ses droits, encore faut-il les connaître. Beaucoup de patients ne connaissent pas leurs droits. Il devrait donc être possible d’organiser des ateliers de sensibilisation des patients à leurs droits ou encore de mettre à disposition dans tous les centres de santé des documents sur les droits des patients.
[NB/ Ce texte s’inspire de la pédagogie critique de Paulo Freire qui vise l’empowerment des personnes en situation de vulnérabilité sociale, des opprimés...]