Il est possible de dégager plusieurs sous-courants dans les techniques radicales de la technique. On peut les classer en fonction des alternatives qu’ils proposent aux formes aliénantes de la technique moderne.
1) Les courants anti-modernistes : ils s’opposent à la technique moderne en valorisant une période historique antérieure. On peut distinguer deux sous-courants :
- Le primitivisme (ex : John Zerzan) : les inégalités sociales apparaissent dès la période du néolitique. Il est nécessaire de revenir à un mode de vie et à un état de la technique antérieur à cette période.
- Le socialisme des Guildes (ex : William Morris) : Le monde industriel repose sur une standardisation de la production qui est source de laideur. Il est nécessaire de revenir à un mode de production artisanal qui redonne de l’autonomie aux travailleurs et est capable de produire des objets manufacturés qui sont des œuvres d’art.
2) Le contrôle démocratique (ex : Andrew Feenberg) : La difficulté de la technique moderne serait avant tout au manque de contrôle démocratique sur les orientations du progrès technique. Il serait possible de retrouver une maîtrise du progrès technique par un contrôle politique de la technique.
3) Les outils conviviaux (Ivan Ilitch) : Dans un tel courant, il s’agit de distinguer entre les techniques aliénantes et celles qui favorisent l’autonomie. Ilich distingue plusieurs critères : « il doit être générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle; il ne doit susciter ni esclave ni maître; il doit élargir le rayon d'action personnelle » (La convivialité).
Un exemple de cela est le mouvement des logiciels libres. Il distingue entre logiciels propriétaires, qui diminuent l’autonomie, et logiciels libres qui la renforce.
L’approche par les outils conviviaux ne s’oppose donc pas à la technique moderne, mais fourni des critères pour distinguer au sein des techniques modernes, celles qui favorisent l’émancipation.
4) L’approche par la pluralité d’agir (Arendt, Habermas) :
- Cette approche n’est pas incompatible avec les autres approches (en particulier les deux dernières). Elle se situe à un autre niveau.
- Elle consiste à distinguer différentes formes d’agir : Habermas pour sa part distingue entre : agir stratégique, agir régulé et agir dramaturgique Arendt entre : action, œuvre et labeur.
- Il est possible de le reformuler sous la forme de : l’agir technique (orienté en fonction d’une rationalité instrumentale : l’utile), l’agir éthique (orienté vers le juste), l’agir expressif (orienté vers la réalisation de soi ).
- L’approche par l’agir éthique consiste à considérer que l’agir technique n’est pas le seul type d’agir. Mais ce dernier qu’il tend à s’imposer comme hégémonique dans la modernité sous l’effet du capitalisme (le marché) et de l’État (l’administration).
- Il s’agit dès lors de redonner une place à d’autres formes d’agir dans l’existence humaine que l’agir technique (ou instrumental).
- De montrer que l'agir technique ne saurait être l'agir qui guide l'existence des êtres humains.
5) Un exemple en pédagogie :
L’approche par les outils conviviaux conduit à s’intéresser aux types de logiciel qui peuvent être utilisés ou pas avec les élèves.
L’approche par l’agir conduit à affirmer que l’usage de technologie du numérique, si elle peut avoir sa place ne peut en elle-même résoudre le problème de l’enseignement, dans la mesure où celui-ci relève non seulement d’un agir technique (didactique), mais également d’un agir éthique (pédagogie). Or c’est l’agir éthique qui est primordial car c’est lui qui oriente d’un point de vue axiologique, l’agir technique.