Plusieurs auteurs font de la cohérence un critère de l’éthique : Paulo Freire, bell hooks...
La notion de cohérence est souvent abordée comme un critère de validité intellectuelle : la cohérence logique, le principe de non-contradiction. On oppose ainsi une conception fondationnaliste de la vérité, reposant sur l’intuition de l’évidence, à une conception cohérentiste. Ces deux conceptions épistémologiques donnent lieu à la distinction entre la vérité matérielle et la vérité formelle (ou validité).
Néanmoins, l’idée que la cohérence constituerait le critère de l’éthique a été moins mise en avant par la philosophie. Il est vrai que cela pose une difficulté majeure.
Si l’éthique ne se fonde dans aucune vérité transcendante, mais uniquement sur une cohérence interne, alors il est tout à fait possible d’imaginer des éthiques cohérentes mais contradictoires, et même une éthique du mal. La morale kantienne constitue une limite à cette difficulté en faisant de l’universalisation sans contradiction le critère de la morale. On a ainsi une distinction entre l’éthique orientée vers la cohérence interne et la morale orientée vers l’universalisation sans contradiction. Sartre dans L’existentialisme est un humanisme tente une articulation entre les deux en affirmant que le sujet en se choisissant, choisit une certaine conception de l’humanité, qu’il est responsable à son niveau de ce qu’est l’humanité.
Les éthiques cohérentistes s’appuient sur un décisionnisme éthique. Le sujet décide des valeurs auxquelles il adhère soit que ces valeurs trouvent leur source dans une conscience personnelle (Rousseau, Emerson…), soit qu’elle se trouve dans l’affirmation d’une liberté radicale (Sartre). Les penseurs de l’éthique comme cohérence sont des philosophes de l’authenticité comme adéquation de soi à soi, des tenants du perfectionnisme éthique.
La première forme de l’éthique comme cohérence est celle de la cohérence entre la pensée, le discours et les actes. Cette cohérence prend différents noms :
- elle est appelée « congruence » par Carl Rogers.
- elle prend le nom de « cohérence » ou de « consistance » chez Paulo Freire
- bell hooks parle quant à elle « d’intégrité » , terme qu’elle reprend à Nathaniel Branden (disciple de la libertarienne Ayn Rand).
- Han Ryner utilise quant à lui le terme de « vertu ».
L’exigence de cohérence a un lien avec l’exigence de liberté. Dans l’exigence de cohérence le sujet ne se soumet pas à des principes extérieurs, mais à un principe interne. C’est au nom d’une recherche de cohérence de soi à soi que l’exigence est posée. L’exigence de cohérence entretien une relation avec l’exigence de sincérité, de véracité. En cela, l’exigence de cohérence peut rejoindre celle de vérité.
Il existe une autre dimension de la cohérence éthique, c’est la cohérence entre les moyens et les fins. Cette exigence se manifeste à plusieurs niveaux :
- la non-violence comme exigence de cohérence entre les moyens et les fins
- l’autonomie en éducation comme exigence de cohérence entre les moyens de l’émancipation et l’émancipation comme finalité. L'autonomie en éducation chez Freire ne désigne pas tant la mise en activité de l'élève par des techniques, que le fait de considérer les apprenants non pas comme des objets, mais comme des sujets de pensée et de discours.
- le respect comme refus de la réification de l’être humain : l’être humain ne doit être jamais considéré uniquement comme un moyen, mais toujours comme une fin.
Comme on le voit le critère de cohérence n’est pas seulement une vertu intellectuelle, mais également une vertu morale. La cohérence comme vertu morale est centrale dans le cas des éthiques qui ne s’appuient pas sur le recours à une fondation transcendante ou hétéronome au sujet. La cohérence est alors l’axe central de la vie éthique. La cohérence est un critère du perfectionnisme éthique.