Paulo Freire, cet illustre inconnu… en France

 

 

Alors que l’œuvre de Paulo Freire bénéficie d’une immense réception mondiale et que les courants des pédagogies critiques ont donné lieu à une très importante réception internationale avec des auteurs de renommé internationale, la France se singularise par son ignorance de ces approches.

 

Pédagogie des opprimés est le 3e livre dans le domaine des SHS le plus cité au monde et l’ouvrage est traduit dans de très nombreuses langues (mais en France on ne peut plus se le procurer). A l’exception d’un ouvrage – Pédagogie de l’autonomie -, le reste de l’oeuvre de Paulo Freire est inaccessible en français.

 

Les grands pédagogues critiques nords américains : Henry Giroux, Peter McLaren, M. Apple ont vu leurs ouvrages traduits dans plusieurs langues, recevoir des doctorat honoris causa dans plusieurs universités dans le monde. Pourtant, en langue française, on ne peut lire aucun de leurs ouvrages.

 

La pédagogie critique de Paulo Freire n’a pas seulement fait l’objet d’une réception dans différents champs de l’éducation (éducation populaire, pédagogie sociale, alphabétisation des adultes, pédagogie universitaire, « éducation à », enseignement scolaire…), mais dans de nombreux autres domaines : médiation culturelle, travail social, psychologie communautaire et santé mentale, clinique du droit...

 

De manière générale, l’oeuvre de Paulo Freire et les pédagogies critiques ne sont pas étudiés en France, en particulier dans le domaine de l’éducation.

 

Comment expliquer cette ignorance ?

 

- Un cadre linguistique : de manière générale, on constate une moindre porosité entre l’aire anglophone et hispanophone qu’avec l’aire francophone. Ainsi Giroux ou McLaren, qui sont originaires du canada anglophone, n’ont pas de fait l’objet de traductions dans le canada francophone alors qu’ils sont traduits en espagnol.

 

- Une faible réception, et en plus très franco-centré : Paulo Freire bénéficie d’une faible réception, mais en outre lorsqu’il est mentionné, c’est pour le percevoir à tort comme un continuateur de l’éducation nouvelle ou encore pour le rapprocher de Célestin Freinet. Comme si tout ce qui a été pensé dans le monde ne peut être pensé qu’en référence avec des penseurs français.

 

- Une frilosité face à l’engagement militant : L’approche de Paulo Freire et des pédagogies critiques est perçue en France sans doute comme dangereusement militante. Ce qui est étonnant, c’est que ce qui est perçu en France comme un manque de positivité scientifique ne semble pas poser le même problème à l’étranger que ce soit dans les aires anglophones, hispanophones ou encore lusophones…

 

En France, il serait sans doute bien aisé de disqualifier militantes les personnes qui se réclament de l’approche de Paulo Freire et des pédagogies critiques. Mais ce qui est bien étonnant alors c’est de se demander pourquoi une telle déqualification n’opère qu’en France ?

 

 

Il faut alors plutôt interroger le champ scientifique français de l’éducation pour se demander pourquoi il n’est pas en mesure de se confronter aux approches critiques en éducation et à la pédagogie critique. Pourquoi ces courants et ces auteurs ne sont-ils pas enseignés et étudiés en France ?