Introduction : Même si le contexte d’énonciation de Vaclav Havel est différent du nôtre, il présente quelques points communs avec le sien. Notre société se caractérise, avec l’ère de la post-vérité, par une augmentation de la « vie dans le mensonge ». Le mensonge n’est plus une stratégie politique possible, il est devenu pour certains dirigeants politiques la manière même de gouverner. Or en éthique, on peut constater que lorsque les dirigeants manquent d’éthique, cela a tendance à se répandre dans l’ensemble de la structure sociale.
Pour Vaclav Havel, le ou la dissidente était celui ou celle qui refusait la « vie dans le mensonge » au profit de la « vie dans la vérité ». De ce fait, le ou la dissidence est celui ou celle qui publiquement refuse la vie dans la mensonge et proclame publiquement la vérité.
I. Qui sont à proprement parler les dissidents ?
(Citations sur la tirées de Vaclav Havel, Le pouvoir des sans pouvoirs )
« Il semble que les premiers qui ont gagner ce titre sont les citoyens du bloc soviétique qui ont décidé de vivre dans la vérité et qui en général répondent aux caractéristiques suivantes :
1. Il manifestent des positions non conformistes et leurs critiques publiquement, dans la mesure de leurs possibilités, et les manifestent de manière systématiques (….) »
« La définition de « dissident » semble comporter l’idée qu’il s’agit d’une profession spéciale, comme si parmi les différentes manières de vivre, il y en aurait eu une spéciale (…) comme si le « dissident » ne pouvait pas être simplement un physicien, un sociologue, un ouvrier ou un poète qui se comporte de la manière dont il pense qu’il doit le fait et que seule la logique interne de sa manière de penser, de travailler (confrontée aux circonstances externes) l’a conduit – sans préméditation – à un conflit avec le pouvoir, au lieu de cela on le présente comme quelqu’un qui a décider de faire du mécontentement une profession comme un autre est cordonnier ou artisan. (…) »
« Pour résumer, la dissidence, n’est pas une profession, même si on peut y consacrer 24 heures par jours. Au contraire, il s’agit avant tout et surtout d’une posture existentielle qui, en outre, n’est pas le monopôle de ceux (….) à qui on accole le titre de dissident. (…) »
« En outre c’est logique : si la vie dans la vérité est le point de départ élémentaire de tout effort de l’être humain pour résister à la pression aliénante du système, si c’est l’unique base significative de toute action politique indépendante et si enfin, elle est également la racine existentielle la plus adéquate à l’attitude de « dissident », il est difficile d’imaginer que, y compris dans son objectivation, le travail de « dissidence » puisse se fonder sur autre chose que le service de la vérité et une vie authentique et l’effort d’ouvrir un espace aux intentions réelles de la vie. »
II- Résistance éthique et dissidence éthique
Dans Duarte, Antoine. « Quand la coopération devient résistance : le cas d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile » (Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 28, no. 2, 2019, pp. 111-123), l’auteur donne l’exemple d’une forme de résistance éthique au travail qui passe par la dissimulation.
Cette forme de résistance éthique correspond-elle à l’éthique de la critique ?
Il ne s’agit pas de condamner en soi telle ou telle stratégie. Mais Vaclav Havel avait justement remarqué dans ses essais que ce qui avait justement permis aux régimes soviétiques de tenir aussi longtemps c’est qu’en apparence la population le soutenait et limitait la résistance à un « script caché » (Scott, La résistance et les arts de la domination)
La dissidence au sens où la définissait Vaclav Havel supposait de refuser publiquement la « vie dans le mensonge » et non pas seulement de manière dissimulée.
Dans la pédagogie critique, une des vertus fondamentales est celle de cohérence. La cohérence suppose une vie dans la vérité. De fait, il n’est pas cohérent relativement au principe de cohérence qui caractérise l’éthique de la critique d’accepter « la vie dans le mensonge ».
C’est pourquoi la dissidence éthique est la forme d’action la plus en cohérence avec l’éthique de la critique.