Quelles sont les caractéristiques de l’épistémologie de Paulo Freire ?
- La conscience immédiate : La conception de la connaissance de Paulo Freire n’implique pas une rupture avec le sens commun. Il accorde une valeur à l’expérience phénoménologique du sujet. Ce que l’on appellerait aujourd’hui dans les milieux militants : « l’expérience des personnes les premières concerné-e-s ». Les personnes opprimé-e-s possèdent des savoirs situés qui correspondent à leur expérience sociale vécue située.
- La conscience sociale critique (conscientisation) : Il s’agit d’un processus qui mène le sujet de son expérience vécue, qui est subjective et localisée, à une connaissance objective et générale de la société et des problèmes systémiques.
- La problématisation : elle permet d’amener le sujet à s’interroger sur le fait que son expérience vécue d’oppression n’est pas uniquement subjective, mais qu’elle pourrait avoir un caractère social.
- La praxis (réflexion-action) : Elle est un processus dialectique qui permet le passage de la conscience immédiate à la conscience critique. Le dialogue est une praxis. Il permet le passage de la conscience phénoménologique monologique à une conscience dialogique capable d’un processus d’objectivation de la réalité sociale.
Contrairement à Descartes, pour qui le sujet peut parvenir par une conscience immédiate monologique à une vérité objective, pour Paulo Freire, l’objectivation n’est possible qu’à l’issue d’un processus dialogique.
- Conscience fataliste et démytification : La conscience fataliste est une conscience qui pense que la réalité ne peut pas être transformée. Cela provient du fait que la conscience fataliste tend à naturaliser la réalité sociale. La démytification est le processus par lequel le sujet déconstruit les mythes sociaux, en particulier celui de la naturalité des faits sociaux.
- Le refus de la réification : La pédagogie bancaire est conceptualisée par Paulo Freire comme une relation d’enseignement dans laquelle les apprenants se trouvent réifiés. La conception de la recherche qui est la sienne conduit à considérer les personnes non pas comme de simples objets de la recherche, mais également comme des sujets de la recherche. C’est pourquoi les formes de recherche qui sont privilégiées sont les recherches participatives.
- La recherche-action participative : L’enquête de conscientisation constitue une des modalités de la recherche-action participative dans laquelle les opprimé-e-s sont engagés non pas uniquement à titre d’objets de la recherche, mais de sujets actifs de la recherche.
- La synthèse culturelle : Elle est le produit de la dialectique entre différents savoirs : les savoirs situés et les savoirs critiques. La synthèse culturelle résulte de l’analyse d’une situation locale à l’aide de connaissances objectives.
- Savants et ignorants : Paulo Freire récuse cette opposition. Pour lui, il y a plutôt des personnes qui détiennent des types de savoirs différents qui correspondent à une approche différente de la réalité sociale. Les opprimé-e-s possèdent un savoir situé et subjectif de leur oppression. Les enseignants-chercheurs possèdent un savoir théorique, général et objectif. Néanmoins pour que le savoir devienne pratique, il faut mettre en œuvre une synthèse culturelle qui permet d’opérationnaliser le savoir théorique dans le cadre d’une situation donnée.
- Savoirs subjectifs, savoirs objectifs, savoirs pratiques : Il est donc possible de considérer qu’il existe au moins trois types de savoir :
- Les savoirs subjectifs : sont des savoirs qui proviennent de l’expérience vécue des opprimé-e-s.
- Les savoirs objectifs : ils proviennent de la recherche théorique comme par exemple des enquêtes statistiques. Ils ont une dimension générale et abstraite.
- Les savoirs pratiques : Ils sont obtenus à l’issue de la synthèse culturelle. Ils permettent d’opérationnaliser les savoirs objectifs dans une pratique émancipatrice au service des opprimé-s et avec eux/elles.