Une vraie plaie des luttes pour la justice sociale ce sont les hommes super-privilégiés qui se présentent en apparence comme des alliés, mais dont le comportement est en réalité tourné vers l’accumulation de privilèges sociaux.
L’allié super-privilégié est un homme qui cumule tous les privilèges sociaux, mais qui souhaite être un soutien aux luttes pour la justice sociale. Ce type d’allié, s’il est sincère et au clair avec ses positions, peut être un vrai soutien. Mais il faut se méfier aussi des alliés super-privilégiés qui sont en réalité des pseudo-alliés et souvent dans ce cas des vrais oppresseurs....
1- Le problème est de savoir comment reconnaître ce type de pseudo-allié.
Le manque de cohérence : ce type de faux allié se caractérise par le manque de cohérence. Il maîtrise parfaitement le vocabulaire de la justice sociale, mais il ne change rien à son comportement. Il met en avant qu’il s’agit de problèmes structurels pour justifier son manque d’éthique et de cohérence. Par exemple, concernant le sexisme, il mettra en avant que le sexisme est structurel pour justifier de reproduire les rapports sociaux de sexe et ne pas se remettre en question.
Le tone policing (la police de la parole) : il reprochera en particulier aux femmes féministes leur absence de « care » dans la prise de parole. Ils leurs demandent de faire valoir leur point de vue en tenant compte de leur « fragilité d’homme blanc de classe moyenne et/ou supérieure ». Ce que ces faux alliés omettent de dire c’est que le manque de tact des opprimé-e-s s’explique par toute la violence qu’elles vivent au quotidien et quand à bout, elles font valoir cette violence, on leur intime de faire preuve de « care »...
Le privilégié victimaire : Le privilégié victimaire est une personne qui ne subit aucune discrimination sociale : il est un homme blanc, à minima de classe moyenne, perçu socialement comme « gender conforming ». Mais, il va s’inventer qu’il est opprimé par les féministes. Parfois, il peut mettre en avant une ascendance ethno-raciale ou de classe sociale lointaine pour justifier qu’il est lui aussi une victime.
La bonne conscience et l’absence de culpabilité et remords : Ce type de faux allié, qui peut être un vrai oppresseur, cherche surtout à se donner une bonne image de lui même. Il veut bénéficier d’une image de « social justice warrior » tout en continuant à bénéficier socialement de tous ses privilèges sociaux en termes professionnels par exemple. Il se caractérise également par son absence de culpabilité et de remord sur l’impact que la réalisation de ses intérêts personnels peuvent avoir sur les autres. Il cherche en tout temps à se justifier et manipule à son profit le vocabulaire de la justice sociale, le vocabulaire des minoritaires qu’il instrumentalise.
Prise de parole et mise en avant : ce type de faux allié en général tend à occuper le devant de la scène dans les luttes sociales. Tout en bénéficiant objectivement de tous les privilèges sociaux, il cherche à faire carrière sur les luttes des personnes socialement dominés, et à acquérir du prestige symbolique de cette manière là.
L’absence de remise en question : Ce genre de pseudo-allié est incapable de remise en question lorsqu’on lui fait une remarque sur ce qui ne va pas dans son comportement. Il se considère toujours légitime dans ses actes et ses propos.
Accumulation de privilèges : ce type de faux allié est caractérisé par le fait qu’il cherche à accumuler tous les privilèges sociaux. Non seulement il cherche à accumuler les privilèges qui sont traditionnellement socialement les siens, mais il veut aussi acquérir un prestige symbolique au sein des luttes minoritaires. Il n’est pas dans la desempowerment, il se caractérise par le fait qu’il ne veut lâcher aucun de ses privilèges sociaux, en particulier dans le monde professionnel.
2- Comment agir face à ce type de faux alliés.
Cela doit être un des rôles des vrais alliés de neutraliser les faux alliés :
- en mettant en lumière leur incohérence : comment ils s’abritent derrière le discours des structures pour ne rien changer à leur comportement, ne pas mettre en œuvre des pratiques de renoncement à certains privilèges
- de mettre en lumière les dégâts que ces pseudo-privilégiés font sur les personnes qui les côtoient par leur comportement qui sont conformes au comportement des personnes qui cumulent tous les privilèges sociaux.
De manière générale, il s’agit de ne pas leur accorder de crédit intellectuel et militant. Ces personnes sont des privilégiés, soit. Mais pourquoi en plus devraient-elles accumuler du capital symbolique sur le dos des luttes des personnes socialement exploitées et discriminées du fait de leur situation de travail, de leur sexe, de leur expression de genre, de leur situation de santé et/ou de handicap, de leur origine migratoire et/ou de leur situation de racisation... ect... De part leurs positions, les super-privilégiés exercent des oppressions. Mais ce qui est le plus insupportable, c'est lorsqu'ils viennent en plus se présenter comme des "social justice warrior" alors qu'en réalité ils continuent à agir pour accumuler le maximum de privilèges sociaux et ne sont absolument pas prêts à renoncer à leurs privilèges sociaux.