Evaluation de l’enseignement et valeurs socio-éthique en éducation.

 

 

On tend trop souvent à orienter l’évaluation dans les recherches en éducation à une évaluation de l’efficience des pratiques. Or il est en réalité nécessaire en éducation de mener une évaluation éthique qualitative des pratiques professionnelles.

 

1. L’évaluation quantitative ou le dogme de l’éducation par les preuves.

 

L’éducation par les preuves englobe un ensemble de recherches qui prenant appuie sur les méthodes de la médecine par les preuves considèrent que les pratiques éducatives doivent faire l’objet d’une évaluation quantitative de l’efficience des pratiques d’enseignement.

 

Cela veut dire pratiquer une évaluation quantitative inspirée des méthodes expérimentales : pré-test et post-test, groupe test et témoin, groupe aléatoire.

 

2. L’évaluation éthique qualitative.

 

Il ne s’agit pas ici de discuter de l’opportunité ou non de mener des évaluations quantitatives de l’efficiences des pratiques d’enseignement.

 

Il s’agit néanmoins de considérer qu’une telle évaluation est insuffisante pour prendre en compte les problèmatiques éthiques à l’oeuvre dans les pratiques d’enseignement.

 

Il ne s’agit pas seulement d’analyser le caractère efficace des pratiques d’enseignement, mais d’analyser les dimensions éthiques des pratiques mises en œuvre et de leurs conséquences sur le plan éthique.

 

3. Les finalités socio-éthiques : lutte contre les discriminations et contre les inégalités en éducation

 

Certains économistes mettent en avant pour justifier la lutte contre les discriminations sociales le coût économique pour les entreprises de pratiquer la discrimination à l’emploi. Néanmoins, on peut douter d’une telle justification. En effet, s’il était économiquement plus efficace de discriminer, alors cela justifierait-il de le faire ?

 

On peut prendre l’exemple de l’école inclusive, relativement aux élèves en situation de handicap. En effet, si l’on prouve que cela diminue l’efficacité des systèmes d’enseignement, faut-il pour autant renoncer à lutter contre la ségrégation des élèves en situation de handicap. On le voit donc bien la lutte contre les discriminations ne relève pas avant tout d’une question d’efficacité.

 

Il en va de même en ce qui concerne les inégalités socio-scolaires. Que veut-on dire sur le plan philosophique lorsque l’on parle de lutter contre les inégalités sociales à l’école ? La plupart du temps, on veut dire qu’il s’agit de réduire l’écart de performance et de réussite scolaire entre les élèves.

 

Mais en réalité, il est nécessaire de comprendre que cette notion peut avoir un autre sens en éthique professionnelle. Il peut s’agir de lutter contre les inégalités de traitement entre les élèves (égalité) ou encore de produire un traitement inégal pour rétablir de l’égalité (équité).

 

Ainsi, lorsqu’on évalue la lutte contre les inégalités sociales à l’école, qu’évalue-t-on exactement ? Une performance quantitative ou la capacité de l’institution scolaire à adopter une relation juste aux élèves quelque soit leur milieu social économique, leur sexe, leur origine migratoire…

 

4. Comment évaluer le caractère éthique des comportements relativement à la lutter contre les inégalités ?

 

Il est possible à travers des entretiens et des observations ethnographiques de s’intéresser à la justice sociale dans le système scolaire :

- les entretiens peuvent permettre d’établir dans quelle mesure les enseignants accordent une priorité ou non aux questions de justice sociale scolaire (lutte contre les inégalités sociales, contre les discriminations)

- les observations ethnographiques peuvent permettre d’observer les micro-discriminations et les micro-inégalités au cours des processus d’apprentissage. On peut par exemple penser aux travaux de Régine Sirota ou aux travaux de Nicole Mosconi sur les inégalités d’interaction dans la salle de classe.

 

Pour bien comprendre cette distinction entre l’évaluation de performance et l’évaluation éthique, il est possible de recourir à une expérience de pensée. Imaginons qu’un système éducatif produise une égalité de performance, mais en optant pour un traitement injuste à l’égard de certaines catégories d’élève. Est-ce que le résultat pourrait à lui seul justifier le processus mis en place ?

 

C’est pourquoi il est nécessaire dans les recherches en éducation, non seulement de mesurer la performance du résultat, mais également d’analyser l’ethicité du processus mis en œuvre.