1. L’éducation.
1.1. Dans un premier sens, l’éducation peut désigner un processus par lequel un individu devient un sujet de pensée et d’action. Il devient capable d’être l’auteur de son histoire personnel et non plus soumis à un tuteur. Il est un individu émancipée capable d’esprit critique (cf. Kant).
1.1.1. Cette définition correspond à la conception de l’éducation des Lumières qui lie éducation et émancipation du sujet.
1.2. Néanmoins, cette conception de l’éducation fait l’impasse sur les conditions sociales de l’émancipation. Les inégalités sociales et de manière générale les rapports d’oppression ne limitait-ils pas le lien entre éducation et émancipation, posé par les Lumières, à la bourgeoisie, aux hommes, aux européens ?
1.2.1. Mais si l’émancipation dépend des conditions sociales, dans ce cas, ne faut-il pas attendre une transformation des conditions sociales pour que l’éducation puisse jouer un rôle émancipateur ?
1.3. L’éducation populaire (comme pédagogie des opprimés – Freire) entend théoriser le lien entre éducation et émancipation socio-politique.
1.3.1. L’éducation populaire est un processus par lequel les opprimés deviennent capables d’une lecture critique du monde social (conscientisation) et de la transformation de celui-ci (praxis). Les opprimé-e-s deviennent alors sujets transformateurs de l’histoire de l’humanité et non pas de simples objets passifs.
2. Populaire.
2.1. Le terme populaire peut désigner les 99 % (comme dans le mouvement Occupy, repris dans Le féminisme des 99 % de Fraser) par opposition au 1 % (les hommes riches blancs).
2.2. Mais ces 99 % comprennent alors plusieurs groupes d’opprimés : femmes, racisés, personnes LGBTQI, personnes handicapées, classes populaires, ect…
2.3. Cela suppose pour que ces 99 % deviennent un sujet politique de transformation sociale que ces différents groupes (qui peuvent se recouper en partie) soient capables de s’allier entre eux.
2.4. Le rôle de l’éducation populaire est alors de favoriser des alliances par le développement d’une éthique des allié-e-s qui repose sur la reconnaissance mutuelle des oppressions et des privilèges sociaux.
3. L’expérience sociale
3.1. L’éducation populaire s’appuie sur la reconnaissance que les opprimé-e-s ont un savoir de leur propre oppression.
3.2. Ce qui caractérise les opprimé-e-s, c’est l’expérience sociale vécue en propre de l’oppression.
3.2.1. Il s’agit d’une expérience sociale vécue, et pas simplement d’un ressenti subjectif.
3.3. Mais cette expérience, habituellement, est vécue comme une expérience individuelle et singulière.
3.4. Le première fonction de l’éducation populaire est d’en faire une expérience sociale collective par le partage dialogique par les opprimé-e-s de leur expérience individuelle.
4. La conscientisation (ou conscience sociale critique)
4.1. La conscientisation s’effectue par la problématisation de la réalité sociale.
4.1.1. La conscientisation fait apparaître le caractère socialement construit de la réalité sociale. Cette prise de conscience rend possible d’imaginer que la réalité sociale peut être transformée.
4.2. La conscientisation est la prise de conscience du caractère systémique d’un problème social ou environnemental.
4.3. Cette prise de conscience passe par l’identification de rapports sociaux de pouvoir.
4.4. La conscientisation ne se limite pas à une lecture culturaliste des rapports sociaux de pouvoir. Elle cherche à remonter à la racine matérielle des rapports sociaux de pouvoir. La conscientisation suppose un matérialisme méthodologique.
4.5. Mais ce matérialisme méthodologique n’est ni un réductionnisme, ni un monisme social. Il laisse ouvert l’existence d’une pluralité de logiques imbriquées à l’œuvre dans le social.
4.5.1. La difficulté d’analyse du social provient de la difficulté à faire apparaître ces différentes logiques qui sont enchevêtrées entre elles.
4.6. Ainsi, l’oppression à l’époque moderne ne peut pas être abordée sans la prise en compte de la réification.
4.6.1. La réification est liée à la domination de la rationalité instrumentale qui colonise l’ensemble des activités sociales.
5. La praxis comme action de transformation
5.1. La praxis est une action directe culturelle.
5.2. L’action directe est la mise en œuvre par les opprimé-e-s eux-mêmes d’une transformation sociale sans le recours à des représentants.
5.3. L’action directe suppose l’instauration d’un rapport de force non-violent.
5.4. La praxis ne renvoie donc pas à une conception libérale de la citoyenneté en démocratie, mais à une conception radicale de la citoyenneté.
5.5. L’action culturelle suppose que la praxis s’appuie sur l’« imagination transformatrice » (Marcuse) qui permet d’admettre que la réalité peut être autre qu’elle n’est.
5.6. L’éducation populaire comme action directe culturelle ne suppose pas que tous et toutes deviennent artistes, mais que tous et toutes ont une puissance de création (cf. Mujeres Creando).
6. La praxis comme agir éthique
6.1. L’éducation populaire n’est pas un agir technique qui repose avant tout sur la mise en œuvre d’outils ou de méthode.
6.2. La praxis de l’éducation est un agir éthique. Elle fait rupture avec la domination de la rationalité instrumentale.
6.3. Cette praxis repose sur la cohérence :
6.3.1 - La cohérence intellectuelle interne qui suppose une cohérence interne à la pensée. Sans cette cohérence interne de la pensée, il ne peut pas y avoir de cohérence pratique (ce qui veut dire dans l’action).
6.3.2. - La cohérence intellectuelle élargie qui permet de ne pas en rester à la subjectivité et d’élargir à l’action socio-politique.
6.3.2.1. La première étape de la cohérence repose sur une réflexion sur la relation entre le ressenti subjectif et l’expérience sociale vécue collective. Dans quelle mesure le ressenti subjectif s’appuie réellement sur une expérience sociale vécue ?
6.3.3 – La cohérence pratique interne entre ce que je pense, ce que je dis et ce que je fais
6.3.4. - La cohérence entre les moyens et les fins :
6.3.4.1 - dans les pratiques d’organisation et de décision.
6.3.4.2. - dans les pratiques d’action.
6.3.5. La recherche de cohérence ne peut pas être absolue, mais elle suppose chez le sujet, une recherche des limites acceptables d’incohérence.