Les réformes dans l'Education nationale :



Qu’est-ce que les profs appellent la « casse du service public d’éducation nationale » ?

Fiche réalisée par Nada Chaar à partir de :

 

textes officiels, discours, rapports issus du ministère de l’Education nationale

- l’analyse du SNES, syndicat le plus représentatif chez les enseignants du secondaire (plus d’1/3 des voix aux dernières élections professionnelles, largement devant le deuxième syndicat, qui a un 1/10èdes voix)

- notre propre immersion dans l’enseignement et la pratique syndicale depuis plusieurs années.

 

La casse du service public d’éducation nationale, c’est d’abord un contexte : celui de la recomposition de l’enseignement secondaire depuis 2005.

 

- 2005, c’est la « loi Fillon » (voir encadré 1).

 

- Puis en 2008, c’est le « rapport Pochard » sur l’évolution du métier d’enseignant (voir encadré 2).

 

- Et enfin, en 2008-2009 et 2009-2010, c’est deux projets de réforme du lycée, dont le second, celui de Luc Ferry, est mis en application cette année, en classe de Seconde ? (voir encadré 4).

 

- Depuis 2005, les profs ne cessent d’exprimer leur mécontentement, en allant dans la rue, en signant des pétitions, en faisant grève. Mais 2003 alors ? 2003, c’était la réforme par J.-P. Raffarin des retraites. Les profs étaient très présents dans la rue, les établissements scolaires ont connu des grèves longues (plusieurs jours, plusieurs semaines) mais ce mouvement de 2003 était commun à l’ensemble de la fonction publique. Aujourd’hui, les profs font grève et manifestent souvent seuls, ou en plus des journées d’action communes (par exemple, le SNES et Sud-Education appellent à la grève le 6 septembre pour dénoncer la destruction du service public d’éducation nationale et le 7 septembre, sur la question des retraites.

 

- Et enfin, 2005, c’est l’entrée des lycéens dans la contestation, contre la « loi Fillon » (voir encadré 1), suivie en 2006 de la mise en échec, par un mouvement étudiant et lycéen, du CPE (contrat première embauche).

 

- Les étudiants, c’est depuis 2003 qu’ils sont dans la contestation, avec le début de la mise en place de la réforme de l’université.

 

- Cette montée enseignante, étudiante, lycéenne de la contestation, ce n’est pas un hasard : elle se fait dans le contexte de la mise en place de la RGPP, Révision générale des politiques publiques, depuis 2007. Cette politique cherche à diminuer les coûts de fonctionnement de la fonction publique. Elle correspond à une redéfinition de la place de l’Etat dans l’économie et la société depuis les années 1970 et la victoire des théories économiques néolibérales. Elle s’est renforcée avec le retour durable de la droite au pouvoir en 2002 en France. L’adoption en 2001 de la LOLF en est un parfaite illustration (voir encadré 3). Tout ça s’accompagne d’un renforcement de la décentralisation administrative. L’Etat dit encourager la gouvernance locale (c’est-à-dire que chaque collectivité territoriale se gère le mieux possible, en fonction de ses problèmes et besoins propres, avec une aide de l’Etat). En réalité, ce qu’on voit, c’est un désengagement financier de l’Etat central (aider les collectivités territoriales coûte moins cher qu’être celui qui finance tout ou presque). La traduction de cette politique dans l’enseignement secondaire, c’est l’autonomisation des lycées avec le décret EPLE (voir encadré 1) et l’externalisation d’un certain nombre de fonctions qui étaient jusque là gérées par le Ministère de l’Education nationale. Externaliser, ça veut dire faire prendre en charge par des acteurs extérieurs : le ministère est par exemple en train de se débarrasser de l’orientation (habituellement assurée par les COP (conseillers d’orientation psychologues, fonctionnaires de l’Education nationale) et de confier ce travail en partie au secteur privé.

 

Pourquoi de telles réformes ? Le gouvernement veut une école qui réussit mieux et des enseignants plus performants :


Il faut pouvoir mesurer précisément les résultats de l’école pour savoir si l’argent qui y est investi est perdu ou rapporte un bénéfice (que les élèves soient mieux formés).

 

- Il est urgent de réformer l’école dans un monde qui change : les défis ne sont plus les mêmes qu’au moment où l’école républicaine, fondée sur l’idée d’égalité du service public, est née, dans les années 1880, sous la Troisième République.

 

- Dans ce monde qui change, on utilise des indicateurs chiffrés : pourcentage d’une classe d’âge qui obtient le baccalauréat ou atteint l’enseignement supérieur, résultats des enquêtes PISA (voir encadré 5).

 

- Dans ce monde qui change, il faut rendre obligatoire l’enseignement de l’économie en seconde car il faut former les citoyens à la compréhension des mécanismes économiques (voir encadré 4 sur la réforme du lycée). L’école est là pour former avant tout des salariés. La réforme du lycée vient renforcer les langues et l’informatique car c’est des outils essentiels dans la formation des travailleurs de l’économie mondialisée.


Il est urgent d’en finir avec un modèle éducatif devenu inadapté.

 

Il est urgent d’en finir avec un lycée élitiste dans lequel les élèves les moins favorisés on du mal à construire une scolarité cohérente et où une filière (la série S) domine les autres (voir encadré 4).

 

- Il faut réformer le métier d’enseignant pour réformer l’école (voir encadré 2).

 

- Il faut réformer la façon dont les carrières des enseignants sont gérées, car elle coûte trop cher à l’Etat et répond mal aux besoins de l’Education nationale.

 

- Il ne faut plus traiter les enseignants comme des individus égaux, mais comme des ressources humaines dans lesquelles les établissements peuvent puiser selon leurs besoins.

 

-  Il faut que les enseignants apprennent à sortir de leur salle de classe et de leur discipline. Il faut qu’ils soient capables d’enseigner plusieurs matières et qu’ils apprennent à travailler en équipe.

 

Ce type de discours est construit à partir de critères d’évaluation issus de la théorie économique néolibérale : ce qui marche, c’est ce qui coûte le moins cher. Mais le discours syndical propose une autre façon de voir les choses.

 

Pourquoi les syndicats ne sont pas d’accord ? Le gouvernement prétend réformer l’école, mais en réalité il la prive de ses moyens. Le gouvernement ne pense qu’au coût, et la société dans tout ça ?


Les conditions de travail et de rémunération des enseignants ne cessent de se dégrader.

 

- La valeur du point d’indice (c’est-à-dire ce qui sert de base pour calculer le salaire) se cesse de diminuer par rapport au coût de la vie (et surtout du logement).


- Les enseignants, sont obligés d’avoir recours aux heures supplémentaires et à des missions ponctuelles qui donnent droit à des primes (professeur principal ou, remplacements de courte durée des collègues absents).

 

- Il y a un enjeu symbolique, c’est-à-dire lié à l’image que les enseignants se font d’eux-mêmes. Enseigner, surtout lorsqu’on est titulaire d’un CAPES (concours qu’on passe au niveau bac + 3, qui donne un temps de travail de 18h contre 15 pour l’agrégation et un salaire beaucoup plus faible) n’assure pas un revenu confortable. C’est contraire à l’image de prestige que les professeurs associent, au moment de leur entrée en carrière, à

leur métier.

 

- Accumuler les heures supplémentaires pour pouvoir joindre les deux bouts, c’est culpabilisant pour beaucoup d’enseignants : c’est accepter le refus du gouvernement d’augmenter le point d’indice, c’est accepter la dégradation de son image, c’est encourager la suppression de postes de remplaçants, de postes à créer, voire de postes existants. En plus, beaucoup d’enseignants ne font plus grève parce qu’ils ne peuvent plus de permettre de perdre une journée de salaire et qu’en plus ils ont l’impression que ça ne sert à rien.

 

- Les syndicats pensent que tout ça correspond à une volonté du gouvernement : en fragilisant le salaire des profs et leur image, on évite de les voir faire grève trop souvent.


Les profs ont peur d’une redéfinition de leur métier qui le dévalorise.

 

- Les enseignants voient se multiplier les tâches non pédagogiques (réunions diverses, orientation, accompagnement scolaire) et se voient progressivement privés de leur « liberté pédagogique » (cette expression désigne le fait que l’enseignant adapte selon sa convenance les règlements et l’avis des inspecteurs dans les contenus et méthodes qu’il veut faire passer à sa classe).

 

- Une première menace pèse sur la liberté pédagogique des profs. Le chef d’établissement, avec le décret EPLE (voir encadré 1) et la réforme du lycée (voir encadré 4) a désormais des pouvoirs plus importants. Le conseil pédagogique, présidé par le chef d’établissement et essentiellement composé de professeurs issus des différentes matières, prend des décisions pour l’ensemble du lycée. Mais comme tous les enseignants ne participent pas à la prise de décision et que c’est le proviseur qui choisit les membres, les syndicats et les enseignants craignent une perte d’autonomie des équipes éducatives.

 

- Une autre menace qui pèse sur la liberté pédagogique des enseignants, c’est qu’ils ont de plus en plus de mal à dégager du temps pour préparer leurs cours et entretenir leur culture scientifique. Les réunions et conseils de classe, depuis deux ou trois ans, se font de plus en plus après les cours et les enseignants rentrent chez eux de plus en plus tard. Les suppressions de postes, les classes plus chargées, les emplois du temps de plus en plus compliqués viennent alourdir le travail de correction des copies et aggraver la fatigue en fin de journée.

 

- En plus de tout ça, depuis cinq ans, les programmes s’élaborent dans des commissions fermées, sans véritable consultation des enseignants et de leurs syndicats. Le travail des enseignants est donc de plus en plus un travail de transmission de savoirs fabriqués en leur absence et ils ont de moins en moins de temps pour se les approprier.

 

- La réforme du recrutement et de la formation professionnelle des enseignants renforce la crainte d’une perte d’identité professionnelle. Les nouvelles conditions de travail des stagiaires à la rentrée 2010 provoquent la colère des profs. Les nouveaux enseignants effectueront 18 heures de cours les deux premiers trimestres sans formation préalable et avec seulement une demi-journée par semaine de formation parallèle. Jusqu’ici, ils ne travaillaient que 6 ou 8 heures devant élèves et recevaient en même temps une formation de deux jours dans un l’Institut universitaire de formation des maîtres, IUFM). Ces nouveaux profs quitteront leurs classes au dernier trimestre pour recevoir une formation de deux semaines en centre universitaire. A cette occasion, ils seront remplacés par des étudiants en Master « Métiers de l’enseignement » qui viendront accomplir leur stage de validation d’études, par des vacataires ou par des jeunes retraités. Pour les enseignants, tout ça signifie que n’importe qui peut être placé devant une classe de collège ou de lycée. Cela veut dire, aux yeux des enseignants et de leurs syndicats, que leur savoir-faire spécifique (la pédagogie) ou leur maîtrise d’une discipline, sont niés. Alors, pourquoi étudier et passer des concours difficiles ?

 

Les profs craignent une dégradation des conditions de travail et de réussite des élèves.

 

Les enseignants ne peuvent imaginer de réforme de l’école sans prendre en compte la réussite des élèves, c’est-à-dire le succès de leur propre travail de transmission de savoirs et de méthodes.

 

- Des divergences existent entre les enseignants et entre leurs organisations représentatives sur la question des moyens qui doivent permettre la réussite. Lors de la consultation du Conseil Supérieur de l’Education qui a adopté le 10 décembre 2009 le projet de réforme du lycée (voir encadré 4), le SNES a voté contre, mais d’autres syndicats ont voté pour. Ils croyaient en effet dans la nécessité d’une réforme d’ampleur du lycée. Mais ces mêmes syndicats qui ont voté pour ont signé l’appel « De l’ambition pour la réforme des lycées », qui contient 9 propositions pour la réforme du lycée. Le but principal de cet appel, c’était d’empêcher que la réforme ne soit instrumentalisée par des considérations purement budgétaires (on fait des promesses, mais on ne les tient pas car on veut faire des économies). Le refus des suppressions de postes, qui s’intensifient depuis une dizaine d’années, est d’ailleurs commun à l’ensemble des organisations enseignantes, qui forment régulièrement des intersyndicales (c’est-à-dire que plusieurs syndicats signent le même appel à la grève).

 

- C’est sur le thème d’une réforme essentiellement fondée sur des préoccupations de type budgétaire que le SNES appuie sa campagne de contestation. Il pense que la suppression de la carte scolaire (carte scolaire voulait dire qu’on ne choisissait pas son établissement car on était obligé d’aller là où on était sectorisé) et l’autonomisation financière risquent de mettre en difficulté des établissements les plus fragiles : ils pourraient se vider de leurs élèves au profit des établissements les plus riches. En plus, si les politiques pédagogiques des établissements se définissent au niveau local, on n’aura plus les mêmes horaires ni les mêmes programmes d’un établissement à l’autre. Donc les principes d’égalité du service public se trouvent bafoués.

 

- Le SNES critique aussi la mise en place de l’accompagnement personnalisé, du tutorat et des stages (voir encadré 4 sur la réforme du lycée). En effet, tout ça relègue hors temps scolaire une partie de la formation de l’élève. Encore une fois, quid de l’égalité entre élèves ? Le choix important d’enseignements « d’exploration », la possibilité pour les élèves de passer plus facilement, avec des stages de remise à niveau, d’un niveau à l’autre, sans redoublement, ou de stages « passerelles » de deux semaines d’une série (littéraire, économique et sociale, scientifique, technologique) à une autre, soulève la méfiance. Premièrement, le choix que pourront proposer les établissements dépendra de leurs moyens. Ensuite, le choix que fait l’élève dépend d’un degré très inégal de maîtrise du système éducatif et de ses parcours (des parents profs orientent mieux leurs enfants que des parents qui ont fait très peu d’études ou qui viennent d’arriver en France). 

 

Conclusion

 

On l’aura compris, le discours du gouvernement et le discours des syndicats s’inscrivent dans deux logiques différentes. Le gouvernement pense en termes économiques : ce qui l’intéresse avant tout, c’est la rentabilité des investissements publics. Les syndicats, eux, pensent en termes sociaux : ce qui les intéresse, c’est le bien-être des salariés de l’Education nationale et la réussite des élèves.

 

Encadré 1 : La « loi Fillon »

(voir http://eduscol.education.fr/cid46515/la-loi-pour-l-avenir-de-l-ecole.html):

La nouvelle Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005 porte essentiellement sur le collège en apportant notamment le « socle commun des connaissances », qui donnera lieu à une réécriture de l’ensemble des programmes, et un « livret de compétences » destiné à suivre les élèves jusqu’au brevet (voirhttp://www.education.gouv.fr/bo/2006/29/MENE0601554D.htm). Les principaux points d’opposition du SNES portent sur le fait que le socle commun appauvrit les contenus d’enseignement et se présente comme une sorte d’abdication qui consiste à affirmer l’incapacité de certains élèves à atteindre plus qu’un certain plafond de savoir et à produire une culture scolaire standardisée et donc plus facilement évaluable selon les dispositifs internationaux mis en place par l’OCDE. Voir les analyses du SNES sur http://www.snes.edu/Le-college-depuis-la-loi-d.html.

La loi Fillon réforme également les EPLE (établissements publics locaux d’enseignement) dans le but principalement de « développer l’autonomie des établissements par l’accent qui est mis sur le projet d’établissement qui vise à mobiliser les équipes pédagogiques pour améliorer les performances des élèves ». Cela passe par la mise en place dans chaque établissement d’un contrat d’objectifs qui « définit des objectifs à atteindre à une échéance pluriannuelle (de 3 à 5 ans) sous forme d’un programme d’actions, dont la mise en œuvre peut être facilitée voire conditionnée par un appui des services rectoraux » et mentionne « les indicateurs permettant d’apprécier la réalisation de ces objectifs ». (voir BO n° 36 du 6 octobre 2005, CIRCULAIRE N°2005-156 DU 30-9-2005, disponible surhttp://www.education.gouv.fr/bo/2005/36/MENE0502168C.htm). Dans ce cadre est instauré également le conseil pédagogique (voir Article L.421-5 du Code de l’Education, loi n° 2005-380 du 23 avril 2005, art. 38, disponible surhttp://www.education.gouv.fr/bo/2005/18/MENX0400282L.htm), qui, perçu comme un instrument du pouvoir renforcé du chef de l’établissement et de l’autonomie croissante des établissements, fait l’objet de 2005 à 2010 d’un boycott qui entrave sa mise en place dans de très nombreux établissements.

On se souviendra que certaines mesures relatives au fonctionnement des études au lycée avaient étendu le mouvement d’opposition à la « loi Fillon » à l’ensemble du secondaire mais également aux lycéens eux-mêmes, avec des blocages de lycées, faisant reculer le ministre sur un certain nombre de points (maintien des TPE et du second enseignement de détermination en seconde, abandon de la réforme du baccalauréat).

 

Encadré 2 : Le rapport Pochard :

(voir http://media.education.gouv.fr/file/Commission_Pochard/18/8/Rapport_+_couverture_-_12-02-08_23188.pdf.)

Le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant a été remis à Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale, le 4 février 2008, par une commission présidée par M. Pochard, conseiller d’Etat. Celle-ci se composait de douze personnes, principalement issues du monde universitaire et de la recherche mais comptant également des hommes politiques, des hauts-fonctionnaires et des représentants du secteur économique.

 

La lettre de commission insiste sur la nécessité d’une « redéfinition de la condition enseignante » dans un contexte où les attentes de la société à l’égard de l’école ont changé. Il s’agit pour la commission de consulter « les acteurs et partenaires du monde de l’éducation et notamment les organisations représentatives des personnels et des parents, les anciens ministres de l’éducation nationale, ainsi que des personnalités françaises étrangères » de façon à établir « un diagnostic de l’état de la condition enseignante » et de « [tracer] les contours des évolutions de la fonction et du métier d’enseignant dans les décennies à venir » (le texte de la lettre de mission est disponible surhttp://media.education.gouv.fr/file/64/4/6644.pdf).

 

Le rapport compte 277 pages dont 25 annexes. Il prend en compte les enseignants du primaire et du secondaire et se compose de deux parties. La première, intitulée « les enseignants à l’aube du XXIèsiècle », fournit des données socio-économiques sur les enseignants, leurs conditions de travail, leurs recrutement, formation et rémunération, la façon dont ils exercent leur métier, la manière dont ils sont gérés et leurs difficultés. La seconde partie pose la question « quelles perspectives pour les enseignants ? » et propose des pistes portant sur l’autonomie des établissements, le travail d’équipe, les missions des enseignants, le recrutement et les carrières professionnelles.

 

L’opposition des enseignants aux projets contenus dans le rapport porte principalement sur les points suivants : il prône une autonomie plus grande des établissements, une annualisation des horaires des élèves qui risquait de se répercuter sur les emplois du temps des enseignants, une définition locale des mission des enseignants dans le cadre d’un contrôle renforcé du chef d’établissement et d’une promotion au mérite, une individualisation des profils de postes, l’imposition aux professeurs d’un temps obligatoire à passer dans ’établissement, la mise en place d’une évaluation standardisée des savoirs et des compétences définis dans le « socle commun » mis en place en 2005. Dans l’analyse proposée par le SNES, disponible surhttp://www.snes.edu/IMG/pdf/8_p_rapp_pochard-2.pdf, les mesures portaient donc à la fois atteinte aux conditions de travail et de rémunération des enseignants, à l’égalité dans l’offre de service public d’éducation et à la qualité des savoirs transmis.

 

Encadré 3 : La LOLF :

La Loi organique relative aux lois de finance, adoptée en 2001, est entrée en vigueur dans l’ensemble de l’administration en 2006. Elle remplace l’ordonnance du 2 janvier 1959 et substitue à une logique budgétaire fondée sur les moyens une nouvelle logique orientée vers les résultats. Au ministère de l’éducation nationale, avec l’entrée en application de la LOLF, c’est désormais 100% du budget de l’Education nationale qui est voté au Parlement au lieu de 6% auparavant (le reste était reconduit annuellement). Le vote du budget s’accompagne de la définition d’un projet annuel de performances à atteindre sur cinq ans. On entre donc dans une logique comptable qui soumet l’attribution des financements à projets et performances. On peut se reporter aux explications disponibles sur le site du SNES de l’académie de Clermont-Ferrand, http://www.clermont.snes.edu/spip.php?article13 

 

Encadré 4 : La réforme du lycée :

La réforme du lycée est mise en place par L. Chatel, et présentée au Conseil supérieur de l’Education le 10 décembre 2009. Elle a été adoptée malgré l’opposition du SNES, syndicat majoritaire dans le secondaire et seulement avec l’approbation de syndicats peu représentatifs (SE-UNSA, SGEN notamment, qui totalisent 18,14% des voix aux élections professionnelles de décembre 2008) en raison de l’adhésion au projet des autres acteurs du système éducatif et notamment les associations de parents d’élèves.

 

Les principaux pôles de la réforme sont censés répondre aux trois objectifs exprimés par le ministre dans son discours du 10 décembre 2009 : «mieux orienter chaque lycéen pour en finir avec l’orientation couperet, avec le délit d’initié, avec une voie exclusive d’excellence ; mieux accompagner chaque lycéen pour éviter les décrochages, pour développer l’autonomie, pour permettre d’atteindre l’excellence ; mieux adapter le lycée à son époque ». Un des éléments mis au service de ce projet est le renforcement des « marges d’initiative et de responsabilité dont disposent les établissements », qui passe par l’affirmation du rôle du conseil pédagogique. Le décret EPLE (établissements publics locaux d’enseignement) est conçu à cette fin. Le discours est disponible sur http://www.education.gouv.fr/cid49972/reforme-du-lycee-discours-devant-le-conseil-superieur-de-l-education.html.

 

Le site du ministère de l’Education nationale résume le projet en cinq points (voir http://www.education.gouv.fr/nouveau-lycee/l_essentiel_du_nouveau_lycee.php).

1- Les lycéens, « mieux informés », pourront « mieux décider » de leur poursuite d’études, grâce à la possibilité de choisir en seconde deux enseignements d’exploration, à la mise en place d’un tutorat (un enseignant ou un conseiller principal d’éducation sera là pour les conseiller de la seconde à la terminale) et à la mise en place de nouveaux instruments d’orientation (forums des métiers et plateformes multimédia). Les possibilités de changement de trajectoire seront augmentées grâce à la mise en place d’un tronc commun élargi en classe de première et à des « stages passerelles » censés permettre le passage d’une série (littéraire – L, scientifique – S, économique et sociale – ES) à une autre en cas d’erreur d’orientation. Enfin, les élèves seront mieux préparés à l’enseignement supérieur grâce à l’équilibrage des différentes voies (et notamment entre les voies générales, L, S et ES et la voie technologique) et au renforcement de la spécialisation en classe de terminale.

2- Les lycéens seront également « mieux accompagnés ». En effet, ils bénéficieront de deux heures d’accompagnement personnalisé par semaine, qui leur apporteront soutien et renforcement méthodologique.

3- Ils pourront acquérir une meilleure maîtrise des langues vivantes grâce un enseignement en groupes de compétences et à un renforcement de l’accès aux langues, par l’apprentissage des littératures étrangères, par des séjours linguistiques et par le recours aux nouvelles technologies.

4- Les lycéens pourront « s’engager pleinement dans la vie culturelle du lycée », grâce à l’enseignement de l’histoire des arts dans toutes les disciplines, à l’organisation régulière de séances de cinéma, à la présence d’un professeur « référent culture » dans les établissements et à des partenariats avec des acteurs culturels extérieurs.

5- Les lycéens seront « davantage responsabilisés » grâce à la reconnaissance, dans l’évaluation de leur parcours scolaire, des « responsabilités prises au lycée ou en dehors », à des partenariats avec des associations et à la redéfinition du rôle des instances représentatives lycéennes.

 

La critique principale du SNES, qui ne s’oppose pas, dans la principe, à une réforme du lycée, porte sur la contradiction entre les ambitions affichées et la réalité des conditions d’enseignement dans des lycées de plus en plus touchés par les suppressions de postes, la réduction des moyens et l’autonomisation financière croissante des établissements (on peut retrouver l’analyse du SNES surhttp://www.snes.fr/-Reforme-du-lycee-.html). Les enseignants, que nous avons entendu très souvent s’exprimer sur le sujet, craignent une augmentation de leur charge de travail, une flexibilisation de leurs emplois du temps liée notamment à la multiplication des options et à une augmentation de la concurrence interindividuelle liée au pouvoir croissant du chef d’établissement et à l’autonomie plus grande des établissements dans la mise en place de leur offre de formation. 

 

Encadré 5 : Les enquêtes PISA

(voir http://www.oecd.org/document/24/0,3343,en_32252351_32235731_38378840_1_1_1_1,00.html)

PISA signifie Programme for International Student Assessment.

 

D’après le site de l’OCDE, « PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. Elle évalue l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique et se présentent sous la forme d’un questionnaire de fond. Lors de chaque évaluation, un sujet est privilégié par rapport aux autres. Les premières collectes de données ont eu lieu en 2000, les suivantes en 2003 et en 2006. La prochaine collecte est prévue pour 2009. Plutôt que la maîtrise d’un programme scolaire précis, PISA teste l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école aux situations de la vie réelle. Les facteurs conditionnant leurs performances ainsi que leur potentiel pour l’apprentissage tout au long de la vie font également l’objet d’une analyse au moyen de questions portant sur l'approche de l'apprentissage et le milieu social des élèves. Grâce à un questionnaire complété par les proviseurs, PISA prend également en compte les particularités d’organisation des écoles. »

 

Ce type d’enquête fournit indirectement des indications sur les performances des systèmes nationaux d’enseignement, autrement dit, sur l’efficacité des investissements publics. L’école coûte cher, si elle ne donne pas de résultats probants, l’argent public est perdu.